November 5, 2009

Un dimanche d'apothéose

Haiti: Le Nouvelliste

Par Roland Léonard

Les instrumentistes, par l'introduction, créent une ambiance de negro-spiritual. Les soprani appellent les basses qui leur répondent ; puis les motifs, dans une espèce de joyeuse contagion, se propagent dans toutes les voix de l'ensemble qui participent à ce grand jeu complexe d'échos, d'imitations directes ou indirectes, d'entrelacs et de contre-chants ; de tiroirs ouverts et fermés.

Une fois de plus, par la magie des sons, le soleil est venu à la rencontre de la Terre ; accompagné de l'arc-en-ciel, il est descendu dans la salle de concert non pas pour nous consumer, mais pour égayer, colorier, illuminer merveilleusement notre dimanche.

Ce concert pour la paix, conçu sous le haut patronage de l'OEA et de Yélé Haïti, planifié au dernier moment, est tombé à pic pour nous permettre d'oublier une triste semaine politique, caractérisée par des intrigues et des coups bas odieux, honteux.

... A son origine, il y a la venue en Haïti, pour une ou deux semaines de formation et de supervision, d'instructeurs musiciens assistant l'orchestre de Chambre Sainte Trinité : le conducteur et arrangeur argentin, Mariano Vales ; la violoniste colombienne Amalia Diaz ; le violoncelliste colombien Alejandro Gonzalez Beltran ; la joueuse de viola brésilienne Deborah Wanderley Dos Santos.

Leur présence sur notre sol est due à un heureux concours de circonstances et à l'appui de différents mécènes, sponsors et amis - outre l'OEA et Yélé Haïti - tels le Venezuela, la Chine, etc...

L'objectif de la collaboration porte jusqu'à un projet d'intégration d'enfants des bidonvilles et quartiers marginaux à la vie musicale de l'orchestre, pour les sauver de la délinquance et de la violence.

Au terme de plusieurs ateliers de travail très fructueux, il semblait logique de conclure par un concert démontrant l'interaction entre l'orchestre et ses instructeurs.

Le concert comprenait deux parties : en prélude, les performances du choeur des petits chanteurs de Sainte Trinité, et ensuite celles de l'orchestre de Chambre renforcé de la présence des superviseurs...

Le spectacle commence à midi pile. Il est introduit par Mme Nicole St Victor qui en présente le contexte, ses facteurs et acteurs favorables, de son mieux.

Les petits chanteurs, dirigés d'abord par Kristen Houge, ouvrent donc le festival avec ''I want Jesus to walk with us'' de A. Dilwoith, soutenus de Michée Charlot au saxophone soprano et d'un pianiste.

Les instrumentistes, par l'introduction, créent une ambiance de negro-spiritual. Les soprani appellent les basses qui leur répondent ; puis les motifs, dans une espèce de joyeuse contagion, se propagent dans toutes les voix de l'ensemble qui participent à ce grand jeu complexe d'échos, d'imitations directes ou indirectes, d'entrelacs et de contre-chants ; de tiroirs ouverts et fermés.

Quelle architecture sonore !

Cette manière s'accentue d'avantage sous la direction de Jean Bernard Désinat, prenant la relève dans ''Tanbur'' de Lajos Bados et ''Go down in the valley and pray'' de J. Thomas. Fragments et dessins répétés, obstinés. Quelques accords surprenants de tensions. Le choeur est définitivement un excellent laboratoire harmonique.

Les petits chanteurs et leurs directeurs ont été chaleureusement applaudis.

En discipline, ils s'en vont vers les vestiaires et coulisses, cédant la place à l'orchestre de Chambre : 7 premiers violons, 7 deuxièmes violons, 4 violons alto, 5 violoncelles, 1 contrebasse, 2 percussions... et j'en oublie. Leurs rangs sont renforcés par les instructeurs superviseurs. Ils sont prêts pour cette grande aventure musicale, cette conversation où les rôles s'échangent : questions et réponses, soutiens harmoniques, commentaires, background et accompagnement à effets rythmiques, comblements mélodiques, canons.

L'orchestre attaque avec ''Bachianas brasileiras No 4'' du compositeur brésilien Heitor Villa-Lobos, où figure évidemment la soliste Deborah Wanderley Dos Santos au violon. La direction est celle de Mariano Vales. Ensemble et solo.

Sous la baguette de l'Argentin, on exécute ''St Paul's Suite op 9 No 2'' de Gustav Holst avec la soliste Amelia Diaz au violon. La ''suite'' est caractérisée par quatre parties bien distinctes : une marche obstinée où se sont distingués les violoncelles par leurs accents rythmiques et les alti et violons dans une interaction ; un second mouvement au rythme ternaire, remarquable par les pizzicati des violoncelles ; un troisième segment tout aussi ternaire par son rythme, débutant avec les mêmes effets de violoncelles et faisant place nette à un bon solo de violon de Amelia Diaz, relayée de temps à autre par une altiste de l'orchestre. Il y a des rappels d'orientalisme dans cette partie ; on pense un peu à ''Scheherazade'' de Rimsky-Korsakov. On admire la division harmonique des cordes.

La quatrième partie est mémorable pour ses motifs musicaux obstinés et une espèce de fausse citation d'une phrase de ''Greensleaves'', mais en majeur.

L'Argentin cède ensuite la place au père David César qui dirige l'orchestre dans un arrangement de Julio Racine du chant folklorique ''Trois feuilles, trois racines oh !''. L'oeuvre est assez sobre en tensions harmoniques. Des congas et percussions s'additionnent à l'ensemble, couleur locale oblige. L'exposition se fait sous la forme d'une version rythmique de type ''Nago'' à 6/8 ou 12/8, au mouvement modéré, avec le soutien des indispensables violoncelles marquant la cadence. Une deuxième partie réexpose le morceau dans une variation rythmique de type ''Yanvalou'', déclenchant la bonne humeur dans la salle. L'oeuvre a été très applaudie.

''Sous la tonnelle'' de Ludovic Lamothe, arrangé par John Jost est encore dirigé correctement par le père David César. Ah ! la contrebasse et les violoncelles simulant le rythme de la main gauche du pianiste !...

La contrepartie haïtienne a fait bonne figure ; le pays a été dignement représenté.

Mariano Vales reprend sa baguette d'abord pour ''Adagio for strings'' de Samuel Barber et pour diriger son arrangement superbe de ''Fuga y misterio'' de son compatriote Astor Piazzola. Soit l'art de la fugue combiné aux accents bien sentis du Tango argentin. L'entrée successive des voix, sujet, réponse et contre-sujet, nous fascine et nous fascinera toujours. Nette modernité harmonique de la composition. Effets de percussions et de tambourins exécutés sur le corps des instruments en bois. Solos d'Alto et de violons.

Il y a ensuite une espèce de ''medley'' latin ''Otro buchipluma ; A sus horas (joropo)'' de Alvarado, Monroy, Lopez, arrangé par Jorge Arbelaez. Cette pièce d'inspiration populaire, en 6/8 ou 12/8, comprend dans son orchestration la participation d'un xylophone.

Le concert s'achève officiellement avec ''Gloria'' de Vivaldi, exécuté conjointement par les petits chanteurs et l'orchestre de Chambre.

Après l'adresse au public, en Anglais, du Chef d'orchestre argentin traduite par une jeune membre de l'ensemble, et les propos finals du père David César pour remercier les instructeurs, et les directeurs, leur remettre des insignes honorifiques - précédés des traditionnels bouquets de fleurs -, on a droit à un bonus très amusant par son humour, sa décontraction, ses facéties et ses irrévérences à l'étiquette protocolaire, rigide et sérieuse attachée habituellement à ce genre de musique : un arrangement, une orchestration de John Jost de l'air ''Wayo-Wayo'', en Afro et en ''raborday''. Le chef d'orchestre argentin, à la grande surprise de tous, cède sa baguette à une fillette qui fait mine de diriger l'ensemble et va aux maracas de la section rythmique. Les musiciens se défoulent en cadençant, s'asseyant et se levant alternativement par sections ; les violoncellistes font faire des pirouettes à leurs instruments à 360 degrés. En bon haïtien, le jeune violoniste Bertrand Plummer, se déhanche correctement et ne prive pas le public de ses tours de reins. L'assistance ne retient pas ses éclats de rire, son hystérie, son euphorie, ses applaudissements

Chapeau pour ce pied de nez final aux conventions, à la réserve, et à l'austérité classiques ! On a bien le droit de se détendre.

Bravo ! Bravo ! Bravissimo ! Vivent les dimanches en musique.

Un dimanche d'apothéose Journal Le Nouvelliste, Haïti
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